Lubok Kasai ou les derniers orangs-outans sauvages

Spread the love

Point Nunga Sumpa
Une soirée passée à écouter l’histoire des Ibans autrefois nommés les Hunters en bref les coupeurs de têtes. Un descendant nous explique qu’il ne sait pas s’il doit être honteux ou fier de porter cette histoire. A mon avis c’est fier qui lui correspond puisque sa voix s’éclaircit lorsqu’il nous explique que son peuple venu du Kalimantan, en bref d’Indonésie n’avait d’autre choix que de conquérir de nouveaux espaces pour survivre. Son peuple envoyait donc de jeunes guerriers à la recherche de nouvelles terres et comme preuve de leur conquête et de leur bravoure, ils rapportaient les têtes des occupants précédents. Hummm nous ne plaçons pas la bravoure au même niveau et cela ressemble étrangement à des justificatifs récents… Ensuite les familles décidaient si elles quittaient leur emplacement actuel. C’est en 1966 qu’une rencontre a eu lieu entre les différents chefs des communautés Malaises et que la paix fut déclarée ce qui n’a pas empêché certaines communautés de maintenir la tradition jusqu’en 1977 date à laquelle cela est devenu formellement interdit par la loi de couper des têtes. Le garçon qui nous expliquait cela nous a dit qu’il est allé à l’école en mixité avec l’ensemble des communautés et que cela a aidé les nouvelles générations à pactiser. Mais Nick nous confie que puisqu’il travaille avec les Ibans il ne crie pas sur les toits que sa femme est issue d’un peuple ennemi des Hunters. Les Ibans annelistes au départ sont devenus catholiques pour arrêter de couper des têtes cela me fait penser aux habitants d’une île aux Marquises qui sont passés de Catholiques à témoins de Jéhovah pour arrêter l’alcool. Du coup même dans ce village de 40 familles il y a une église.
Point le lodge de Lubok Kasai
Ce bâtiment en bois construit dans l’esprit d’une long house a vu le jour avec une équipe de télé-réalité anglaise. L’émission consistait à envoyer de jeunes obèses vivre en autonomie dans la forêt pendant trois semaines. Seul la moitié des participants a tenu bon et en effet ils ont perdu une trentaine de kilos à ne manger que ce qu’ils chassaient ou pêchaient accompagnés de plantes locales. Nous cela ne va pas nous arriver. Servies comme des princesses par nos trois petits gars, ils ont prévu de la nourriture pour 10 au lieu de deux. En plus j’ai ma provision de chocolat en barre agrémenté de nougat ou cacahuètes caramel. Hummm cela ne sent pas la perte de poids malgré les randonnées. Pour en revenir aux anglais l’émission n’a eu lieu qu’une fois et a permis à Bornéo Aventure de louer cet espace aux propriétaires à savoir les Ibans d’un village situé entre ici et Nanga Sumpa. Nous y avons fait escale pour récupérer les clés mais pas eu l’autorisation de visiter. Les 3 gars dorment dans l’espace cuisine dans lequel nous ne sommes pas conviées non plus et nous, toutes seules dans le grand bâtiment où nous sont livrés nos repas que nous partageons avec Nick. Douglas trop sauvage parvient juste à dire bonjour et du coup reste avec Koody, lui, très drôle et sympathique. Des sanitaires sont mêmes installés dans un autre bâtiment reliés à de l’eau qui descend de la montagne. Super pour les toilettes mais pour la douche nous préférons la rivière car hier soir deux sangsues nous y ont attaquées. Nous n’allons tout de même pas prendre une douche en chaussettes ! En revanche la nuit, nous devons redoubler de vigilance pour le pipi nocturne. Si ce ne sont pas les fourmis géantes qui ont pris possession du lieu ce sont les espèces de guêpes nocturne qui sortent de leur nids attirées par la lumière ! Mieux vaut éviter une piqûre qui peut vous mener tout droit à l’hôpital. Concernant ce lieu, en 2014, un malais exploitant de bois est arrivé en brandissant son droit d’exploitation de la forêt au village Iban. Aussitôt Bornéo Aventure, les chefs de village et de nombreuses associations de protection de la nature se sont mobilisés pour écrire au gouverneur du Sarawak en expliquant que ce lieu est un habitat pour les Orangs outans sauvages. 3 mois plus tard le gouverneur répondit qui viendrait sur place constater la présence des nids. 15 jours plus tard les Ibans avaient construit un héliport qui servira pour la première et dernière fois au gouverneur. Il effectua la même randonnée que nous effectuons tous les matins et même s’il ne vit pas d’orangs outans Il observa la présence de nombreux nids. Il décida alors de classer ce lieu en parc national ce qui aurait eu pour conséquence d’obliger les Ibans à déménager. Sur les conseils du collectif il décide alors de classer ce lieu comme réserve communautaire. C’est ainsi que Ibans et Orangs outans peuvent poursuivre leur cohabitation et que nous, nous avons pu y séjourner er avoir l’immense privilège de rencontrer nos frères génétiques.
Point Orangs outans
Seulement 200 spécimens survivent à l’état sauvage à Bornéo et 170 à Java. Il existe 5 types d’orangs outans. Le réchauffement climatique n’aide en rien à leur protection. Les pluies qui s’abattent hors saison détruisent les fleurs des arbres fruitiers et depuis 5 ans la forêt ne produit plus les fruits base de leur alimentation. Ils se rabattent sur les pommes d’eau, les fruits contenus dans les palmes de padang dont ils retirent délicatement les épines avant de les ouvrir et les feuilles d’arbres et parfois des petites cerises sauvages qui résistent à la météo. Ils vivent en solitaire et parcourent des kilomètres tous les jours. Le soir vers 18h, ils choisissent un arbre pour fabriquer leur nid. Ils cassent des branches et se tissent un tapis pour se coucher. Celui-ci est plein d’excréments le matin d’où son utilisation journalière. En revanche lorsqu’il pleut des cordes, ils peuvent rester plusieurs jours dessus la pluie faisant office de chasse d’eau et ils se construisent alors un parapluie. Dans ces cas là ils se contentent de feuilles pour se nourrir car les orangs outans ne supportent pas de se déplacer sous la pluie. Ils se lèvent vers 9h et entament leur déplacement pour se nourrir ; ensuite comme il fait trop chaud c’est la sieste digestive jusqu’au milieu de l’après midi où il reprennent leurs déplacements jusqu’à l’arbre élu pour la nuit. Histoire d’optimiser nos recherches une famille d’orangs outans constituée d’un mâle dominant et de 4 à 5 femelles avec leurs petits possède un territoire de 10 km carrés.
A la recherche des Orangs outans
Étant donné leur mode de vie, nos randonnées de recherche s’effectuent le matin de 9h à 12h et le soir de 15h30 à 17h30. Le jeu consiste à grimper au plus haut, à repérer les mouvements des arbres puis à se déplacer parfois à l’aide de la machette pour les observer. Comme nous ne sommes pas équipés de téléobjectif il est difficile d’obtenir une photo correcte dans la mesure où l’objectif de l’appareil se focalise sur cette végétation d’une densité incroyable. La vidéo reste le seul moyen de pouvoir vous faire partager ces rencontres.
Orang outan 1
Notre première randonnée à Nanga Sumpa consistait à traverser la montagne pour récupérer notre bateau de l’autre côté afin de se rendre à 1h de navigation à Lubok Kasai notre lieu de villégiature. Et forcément c’est au moment où nous étions sur un devers avec quelques difficultés pour nous déplacer qu’un magnifique mâle passait à proximité. Entre le plaisir de l’observation et la vigilance à apporter sur mes pieds j’ai oublié d’appuyer sur le bouton marche de la caméra de mon téléphone. Pourtant j’ai mis toute mon énergie en acrobaties pour vous faire partager ce moment.
Orang outan 2
Il s’agit de la balade du soir, le Lalang trail, ou plutôt de la montée qui n’en finit pas et qui nous fait prendre conscience que nous ne sommes pas prêtes pour le Mont Blanc ! En même temps Martine me dit toujours qu’elle n’aime pas la montagne à cause des côtes et bien là nous sommes servies. Nous étions sur le chemin du retour car il s’agit là d’un aller retour quand Madame Orang outan a fait craquer une branche pour nous aider à la repérer. Ni une ni deux à coup de machette Nick nous ouvre un passage à travers la végétation. Voilà nous sommes en capacité de l’observer. Assez rapidement elle change d’arbre. Je descends un peu plus et son regard croise le mien. Émue je lui lance un petit coucou de la main ,et hop je la vois qui descend. Au même moment, Nick qui a vu la scène nous demande de remonter dare-dare et d’accélérer le pas. Et voilà je ne saurai jamais si elle voulait faire amie avec moi ou attaquer ! Ce qui est rassurant c’est de savoir qu’au sol, la vitesse de déplacement d’un Orang outan est lente et logiquement en cas d’agressivité nous avons le temps de détaler.

Orang outan 3
Nous commençons la boucle du Selong loop trail pour une durée annoncée de 5 heures avec une grimpette pire que sur le trail du soir. C’est parti et nous inaugurons nos chaussettes anti sangsues. Une petite montée suivie d’une descente nous conduit à un point où la rivière est plus basse. Là changement de chaussures pour traverser puis à nouveau chaussettes… Évidemment Martine trouve le moyen de choper une sangsue sur la main pendant le changement mais celle-ci n’aura pas eu le temps de sévir avant son envolée vers la jungle. Pour les 3 premiers kilomètres, ce trail ressemble plus à un parcours du combattant. Passerelles, passages arides en devers, gymkhana entre les arbres le tout enrobé de montées et de descentes auront générés trois jolies chutes en glissades de Martine mais heureusement sans bobos. Nous étions sur le point de gravir l’énorme colline qu’un craquement salutaire nous conduit à pénétrer la jungle à la recherche de l’orang outan dont nous n’apercevons que le fessier. Bien installé sur la cime de son arbre malgré tous les efforts de Nick, il n’en bougera pas. Alors que nous étions en poste d’attente, une pluie diluvienne s’abat sur la forêt et là c’est certain ce n’est plus la peine d’attendre. Cette pluie nous l’avons accueillie comme une aubaine d’une part parce qu’elle rafraîchit et d’autre part cela nous a permis de rebrousser chemin sans avouer que nous en avions déjà plein les pattes ! Martine a refranchi tous les obstacles avec succès et au lieu de reprendre le chemin de l’aller après le passage de la rivière nous avons fait le choix de rentrer en marchant dans l’eau à présent que le soleil était de retour. Une bonne baignade à suivre et maintenant je vous écris en attendant le déjeuner puisque nous sommes rentrées avec deux heures d’avance c’est le déluge. Je dois avouer que pour le moment la météo est bienveillante avec nous.

Orangs outans 4
Hier soir et ce matin je suis allée seule avec Nick en forêt. Martine échaudée de ses expériences précédentes a préféré rester bouquiner et profiter de la rivière pour se baigner. Ce matin j’ai tout de même croisé la route d’un Trogon, c’est cet oiseau rare tout rouge qui a une petite tête style balle de ping-pong. Très difficile à croiser il apporte de la chance dixit les croyances Ibans à la personne qui le voit. Je ne l’ai pas montré à Nick car comme il venait de me dire qu’ici tous les oiseaux étaient marron pour se protéger des prédateurs j’ai pensé au départ qu’il s’agissait d’un fruit quelconque. J’aurais peut-être mieux fait car 5 minutes plus tard la guêpe qui me suivait depuis un moment est allée finalement se suicider en le piquant au coude. Je ne l’ai pas envié ! Ce soir Martine déclare encore forfait car la pluie s’est abattue tout l’après midi et le terrain est glissant. Quatre jeunes gaillards dont un français nous ont rejoints nous allons donc partager notre grande cabane ce soir. Gonflée de confiance avec mon trogon de ce matin, je dis à Nick que je suis partante pour la sortie du soir. Les jeunes nous accompagnent et sur le chemin du retour nous sommes récompensés par la présence d’une jeune femelle de 7 ou 8 ans. Pas du tout affolée elle nous jette d’abord son petit cri qui a le son d’un bisou et qui signifie qu’elle demande gentiment que l’on quitte son territoire. Mais rapidement elle prend le pli de nous ignorer pour poursuivre sa dégustation de cerises avant d’aller faire son nid. Cette rencontre était géniale et nous sommes restés à l’observer une bonne demi-heure avant qu’elle ne décide de partir.

Orangs outans 5
Ce matin pas de randonnée à cause de la pluie mais les gars désormais nombreux entre deux piroguiers par bateau et les guides ont vu par la fenêtre de la cabane cuisine un Orang outan se déplacer. Le temps que je me rende sur place je ne verrai que les branches bouger signe de son éloignement.

Lundi 20 mars Déjà 4 jours passés seules ou presque au milieu d’une végétation étonnante qui d’apparence ne semble pas héberger grand monde. Si ce n’est l’équipe de chauve-souris qui a élu domicile sous notre bâtiment, les énormes insectes que l’ont ne souhaitent pas rencontrer car rampants ou volants, ils sont gorgés d’un venin non désirable pour nous et des oiseaux, hormis mon trogon, dont nous ne connaîtrons que les cris. J’oubliais le cri strident des cigales que seule la pluie parvient à faire taire. Une bande de macaques est bien passée au large de notre hébergement une fois et en forêt j’ai aperçu un macaque marron presque aussi gros qu’un Orang outan. Malgré tout, ces différents verts qui jouent avec les lumières confèrent à l’endroit une sérénité et une magie de se sentir nulle part plutôt agréable. Et n’oublions pas que nous faisons partie des rares visiteurs à avoir eu la chance de rencontrer des Orangs outans sauvages. Ce matin je me joins à Martine pour bouder la randonnée et nous allons nous contenter d’une magnifique baignade sous une petite cascade en guise de halte pour regagner Nanga Sumpa pour notre dernier soir dans le Batang Aï. Nous y voilà, une bonne douche avec de la pression semble nous civiliser. Ici, l’animation bat son plein. Le chef Iban en tenue de charpentier s’affaire à construire une passerelle avec d’autres gars pendant qu’une équipe tente d’attraper du poisson et une autre défriche derrière le bâtiment dortoir en activant un brûlot qui commence à me faire regretter de porter ma dernière chemise encore sans odeur ! Demain notre arrivée dans notre hôtel 5 étoiles ne passera pas inaperçue. Martine profite du confort des transats de Nanga Sumpa pour se lancer dans une petite sieste. Fini le calme absolu, les coqs du village commencent déjà à nous faire profiter de leur concert qui va probablement durer toute la nuit comme jeudi soir. Un groupe d’anglais vient d’arriver et leurs bavardages se mêlent aux coqs parvenant à couvrir le bruit des moteurs des pirogues qui regagnent également le village. Bon et bien profitons de cette animation pour boire une bière.
Aujourd’hui mardi nous reprenons pirogue puis le van pour regagner Kuching. Je profite du retour du réseau téléphonique sur la route pour vous poster ce message. Notre programme de ce soir va se limiter à prendre un petit cocktail dans notre ancien quartier à proximité de la laverie le temps de se reconstituer une garde robe propre.
Ensuite vous resterez de nouveau 3 jours sans nouvelles car nous reprenons la route dès demain matin pour un nouveau parc naturel et cette fois c’est vraiment plus proche du camping ! Mais comme j’aime le dire à Martine nous avons choisi Bornéo Aventure et non pas Club med Bornéo pour finir notre voyage, alors… A bientôt

2 thoughts on “Lubok Kasai ou les derniers orangs-outans sauvages

  1. Bien belle aventure, vous êtes revenues avec vos têtes et de bien belles images dedans, c’est tant mieux ! Bizh

  2. Je rattrape le retard ! Bon vous êtes entières ! C’est déjà bien… Entre Martine qui « descend fesses » et Isa qui essaie de faire amie avec les orang-outan 🙂 !!!

Comments are closed.