Depuis plusieurs jours je glane des informations sur un certain Daniel. Les mères des lamantins abandonnent leur petit qu’elles ont pourtant conçu en 13 à 14 mois lorsqu’elles considèrent qu’il n’est pas viable. Et voilà comment en 2003, alors qu’il avait toujours son cordon ombilical, Daniel a été trouvé. Nourri au biberon avec un lait de synthèse similaire à celui que l’on donne aux dauphins, il a ensuite grandi dans la lagune Guerrero où un sanctuaire a vu le jour. Et voilà, le petit Daniel a 16 ans et fêtera ses 17 ans en septembre. Il pèse 250 kg contre les 350 à 400 kg d’un mâle lamantin du même âge né viable. A force d’enquêtes, j’ai fini par localiser le sanctuaire où il réside. Sur la carte ce n’est pas très loin mais pour y arriver sans voiture personnelle et sans vouloir se financer un taxi pour une journée complète, ce fut une vraie expédition avec de nombreux changements de véhicules. L’occasion de renouer avec l’ambiance des combis mexicains et de papoter, et à midi nous faisions la connaissance de Daniel. Voilà, à force de louper les lamantins sauvages, le moyen le plus sûr d’en voir un était celui-ci. Le sanctuaire consiste en un grand bassin duquel Daniel peut sortir à sa guise et d’un espace pour soigner les lamantins du Belize ou d’ici lorsqu’ils sont victimes d’un accident avec les lanchas. Malheureusement celui qui est arrivé le mois dernier n’a pas survécu. Daniel ne va jamais très loin car, lorsque son soigneur l’appelle, il rapplique pour un casse-croute de légumes. Et si l’envie de s’éloigner lui prend, il traîne avec lui une balise. Les lamantins ne sont pas très sociables alors, quand une bande vient le rejoindre, mis à part devenir père, il n’a pas d’intérêt à suivre le groupe. Les mâles se comportent comme les chiens, seules les femelles après cette longue gestation restent avec leur petit pendant deux ans. Daniel nous a bien fait rire avec ses mimiques du nez pour réclamer à manger. Nous avons passé un bon et long moment en compagnie de son gardien qui nous a gentiment déposées plus loin dans le village devant un restaurant désert en nous disant que la nourriture était excellente. Ici la lagune s’anime le week-end, le petit village tout en longueur dispose également d’un coin baignade pour les locaux. Ici et là les gens, visiblement en famille, semblent passer la soirée à papoter en sirotant des bières. Et bien nous, nous sommes offertes une journée mexicaine. Le restaurant accepte de nous servir (logique les patrons et le personnel vivent sur place). Nous nous sommes installées correctement en apportant une table au bord de la lagune puis les transats. Et voilà encore une fois on n’est pas mal ! De nouvelles couleurs, une eau chaude, un ceviche de crevettes, quelques bières et aussi quand même des limonades maison ont rythmé l’après-midi. Le retour s’est effectué en mode plus rapide car nous avons eu de la chance d’attraper un taxi partagé pour Chetumal que nous avons conservé jusqu’à Bacalar. Une piña colada dans notre hamac et un petit restaurant vont clore cette belle journée. Et vraiment heureuse d’avoir eu cette chance de rencontrer Daniel. Les lamantins peuvent vivre jusqu’à 80 ans alors Daniel a encore de belles journées devant lui. Mais malheureusement il ne reste que très peu de ces mammifères en vie. Plutôt cools à l’époque de la piraterie, ils ne se méfiaient pas des hommes, leurs uniques prédateurs, et faisaient office de repas quotidiens aux corsaires que la population a fini par dénommer les boucaniers car la viande de lamantin s’appelait boucane.
Excellente journée à tous