Mardi 15 décembre, 21H30 je monte dans le bus en dernier évidemment, le temps d’avoir fumé en cachette une dernière cigarette ! Me voilà au milieu des dix Brahmacharinis (style novices dans un couvent) accompagnées par leur chef que je nommerai la mère supérieure (femme très élancée au regard dur et aux traits anguleux, habillée d’un sari orange couleur des êtres élevés spirituellement), de la quinzaine d’étudiants indiens et de onze blancs. A savoir, une américaine (Erika 34 ans), deux espagnols (Gloria 66 ans et Victor 31 ans), deux italiens Alberto et Luca la quarantaine, deux danois (Mickael 22 ans et Maria 22 ans), une algérienne de 28 ans (rebaptisée par mes soins Esméralda), une brésilienne (Alice 21 ans) et trois français dont je fais partie (Tchidanand –prénom spirituel donné par Amma- 60 ans et Amandine 30 ans). Je me glisse à la dernière place de libre dans le bus, à savoir celle du fond qui donne sur le couloir et c’est parti pour six heures de cahots et de coups de frein intempestifs qui m’amènent à me cramponner dans ce bus de transport scolaire très rudimentaire en terme de confort. L’ambiance est à la méditation, ceux qui le peuvent c’est-à-dire tous à part moi dorment ou somnolent. Bon 3H30, la mère supérieure annonce une escale dans un collège d’Amma et un changement de programme. Nous ne partons plus nettoyer les rues et des habitations à Chennai mais rallions Pondichéry pour aller distribuer des denrées et matériels de première nécessité dans des villages reculés de la ville. Départ demain à 7h30 pour douze heures de bus, petit déjeuné à 7H, bonne nuit tout le monde.
Ainsi commence l’aventure aide humanitaire internationale !
Le petit déjeuner bref mais convivial me permet de sympathiser avec les filles, les garçons étant hébergés dans un autre bâtiment, évidemment. 12 heures de transfert haltes comprises favorisent la coalition France, Espagne, Italie, Amérique et Brésil en langue espagnole, l’anglais sera réservé aux cigarettes consommées en douce avec Mickael, mon seul compagnon de l’autobus. Très rapidement, nous sommes repérés par la mère supérieure et dès cet instant un jeu de cache-cache entre elle et moi va s’instaurer pour la semaine entière.
Nous arrivons dans un établissement scolaire d’Amma à Pondichéry qui va faire office de camp de base. Nous disposons des nattes sur le sol pour organiser un dortoir dans une des classes du deuxième étages vidée pour l’occasion et découvrons au rez de chaussée des pièces gavées de vivres en tout genre et de petit matériel style assiettes, gobelets, nattes, couvertures… Retour au deuxième pour le dîner puis en avant pour le conditionnement des paquets. Le groupe précédent en a déjà préparé un petit millier, alors on poursuit et commence alors le transport des colis prêts vers l’extérieur. Minuit nous attaquons le chargement du bus, une chaîne humaine s’organise et c’est parti ! 5H du matin, novices et dévots entament les exercices de méditation, récitation des mentras et/ou yoga pendant que je me contente de m’étirer et du coup en profiter pour rallier les sanitaires en premier. 6H le chai (thé au lait) est prêt, hop une tasse puis une autre et direction le petit chantier où j’ai déjà organisé mon fumoir à l’abri des regards. 6H45 direction le petit déjeuner où mes compagnons de SEVA (service pour les autres) s’inquiètent de leur émotionnel au moment de rencontrer les populations. On verra bien ! 7H30, le bus ronronne, enfin tousse et en route pour deux heures de trajet à travers de charmants villages en partie constitués de huttes où la population nous réserve de chaleureuses salutations. Je suis surprise par la propreté qui règne en maître dans tous les lieux que nous traversons. Cela change du souvenir de l’Inde du nord. On s’engouffre dans un petit chemin jusqu’à un temple déjà organisé pour notre arrivée. Les swamis, en 4X4, eux, ont déployés les banderoles à l’effigie d’Amma, organisé l’hôtel où va se dérouler une cérémonie express en son honneur, placé les femmes largement majoritaires qui vont recevoir les dons, assises derrière une corde et structuré un passage avec des tables pour la distribution. Alors, hop au boulot pour décharger le bus. Un swami me demande de m’assoir derrière une table afin que je démarre la distribution. Place plutôt confortable, je n’ai plus qu’à réceptionner les paquets (4 au total) et à les déposer dans les bras des femmes. Elles arborent un large sourire et commence alors un va et vient de chaîne humaine. Ceux qui déchargent les 3 bus, ceux qui trient pour nous donner les 4 sacs, ceux qui comme moi les tendent aux personnes et les femmes responsables de famille qui défilent. Pas de misérabilisme à l’horizon, juste une joie partagée et une énergie positive qui animent l’ensemble des bénévoles dans ce déambulatoire éprouvant physiquement sous un soleil plombant. Soudain tout s’arrête ! Les hommes du village en observation sont sur le point de s’étriper ! Que se passe t-il ? Les Swamis entrent en jeu et une novice parlant anglais nous explique la situation. Il est prévu un kit par famille, hors deux membres d’une même famille viennent d’être servi ! Le drame ! Bon, la pause va durer le temps que chaque personne se munisse de son livret de famille. Le chef du village avec un swami organise un espèce de pointage et c’est reparti. Je profite de l’interruption pour circuler dans le village avec Amandine. Très rapidement, nous nous sommes retrouvées à boire le thé invitées par une famille.
De retour sur le lieu de la distribution qui a repris, nous ne paraissons pas indispensables alors nous décidons d’aider des personnes âgées ou handicapées à transporter leurs paquets jusqu’à leur habitation. Le bus klaxonne, vite au pas de course et là, un indien nous stoppe ! Merci beaucoup, il nous prévient que les chiens attaquent si nous restons en petites foulées, ok on ralentit et tout va bien notre bus, lui n’a pas encore démarré !
Le même scénario va se dérouler dans deux autres villages puis nous regagnons notre collège déjà déserté par les élèves pour reprendre notre poste d’emballeur puis de transporteur jusqu’au bus.
Les jours vont se suivre et se ressembler sur le timing. Hé oui, nous n’avions pas visualisé que aide alimentaire signifiait travail à la chaîne. Beaucoup d’énergie, peu de sommeil mais une nourriture abondante pour nous et surtout délicieusement préparée par le chef cuistot du collège. Pour la petite histoire, j’ai rapidement commencé à jouer tout en insufflant un rythme plus soutenu aux équipes d’emballage. Au départ cela m’a valu quelques remarques des dévots du style, « le SEVA c’est un moment de méditation », puis « ce n’est pas un concours de rapidité » et puis « c’est sérieux ! » En moins de 48H, les étudiants et les novices qui, il faut l’avouer, avançaient à un rythme d’escargot en comparaison à l’équipe de blancs a fini par se prendre au jeu et enfin l’ambiance festive et efficace a gagné les troupes. Les étudiants se sont mis à déployer une énergie insoupçonnée jusqu’alors pour me doubler et une surenchère de mode de déplacement de colis fut lancé. Des éclats de rire ont envahis le hall du collège lors des lancés de natte et les novices les plus faibles se sont transformées en distributrices de réconfort, eau, nougats et des top boulettes au lait concentré sucré, un délice.
Pendant ce temps, j’ai bien vu que mon implication et ma résistance physique gagnaient des points auprès de la mère supérieure qui cependant continuait sa guerre anti tabac tout en clamant à qui voulait l’entendre : elle n’écoute rien !
L’autobus fut l’occasion d’échanges favorisant ma connaissance du mode de vie de l’ashram déclenchant du même coup une peur. Comment vais-je retrouver Martine restée seule là-bas ?
Va-t-elle déclamer des mentras toute la journée ? et blablabla…. A suivre !
Notre dernière livraison est effectuée après une surprise de taille. Nous arrivons dans un village style bidonville en bordure d’une agglomération pour décharger l’intégralité des paquets soit 4000 au total. Mais seul une centaine de personnes est présente à l’appel ! Deux heures d’attente et les 500 familles attendues ne se présentent pas ! Où sont passés nos pauvres ? Bon, gagné ! on remballe et direction la pause déjeuner à proximité d’un temple sur le bord d’un lac. Je quitte l’endroit avant les autres pour fumer bien sûr. Et là, avec l’aide des chauffeurs, j’organise un don sauvage aux vieillards qui bordaient la route. Allez en route, les swamis nous ont déniché un autre village pour jouer au père noël, c’est le sentiment9 que cela donne car à première vue, la majorité de ce village ne semble pas être dans le besoin. Mais bon nous ne connaissons pas les codes en vigueur dans le pays. Le sourire aux lèvres toujours dans une ambiance efficace et de plus en plus structurés nous venons à bout de nos 4000 sacs. L’expérience se termine. Merci Amma de nous avoir permis de vivre ça et d’avoir réussi à réunir autant de vivres à distribuer. Belle aventure humaine tant en préparation qu’en distribution. Et de merveilleux souvenirs d’accueil de cette population chaleureuse qui vont longtemps nourrir mon cœur.
Pour nous remercier, nous faisons escale dans un des plus beau temple de l’Inde du sud où nous participons à tous les rituels tel des VIP d’Amma. Des prassads (offrandes, style petite gourmandises, hum…) nous sont offerts sous les yeux envieux des indiens et des visiteurs. Une courte visite au temple de Kali, puis un chai dans la maison de dévots et enfin nous regagnions le collège. Il est 23H30 et oui, super un dîner nous attend ! Demain départ vers 8H pour 19H de bus et une escale dîner dans le même établissement qu’à l’aller.
Au revoir à tous les indiens restant sur place et aux swamis, un salut aux élèves de primaire qui les mains jointes s’inclinent à notre passage et hop dans le bus. Les novices me demandent si j’ai déjà reçu le darshan (câlin d’Amma). Je réponds que non et que je ne suis pas certaine de m’y rendre puisque je ne respecte pas la règle en fumant ! Envolée de boutique, elles racontent cela à la mère supérieure qui, avec un large sourire que je ne lui connaissais pas, me dit : Tu vas aller au darshan et c’est moi qui vais t’y conduire et je lui dirai à AMMA, je lui dirai !
A suivre… Elle est capable puisqu’elle parle à Amma au téléphone tous les jours ce qui vaut à chaque fois au bus de s’arrêter. Chut, silence, Amma au téléphone !
2 thoughts on “SEVA embrassing the world Pondichéry”
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Mince ! Je viens d’effacer mon message 🙁
Je disais Isabelle que tu as vécu une expérience formidable !Et pendant ce temps là Martine méditait et jeunait … !!! Je croyais aussi que tu avais eu « le calin » d’Amma, il me semble l’avoir lu mais je ne sais plus où… Je disais aussi que tu as été pistonnée, la sale gosse qui fume en cachette !!! mdr
je vous embrasse fort et je vais regarder les photos
Ce qu’ils sont beaux les gamins…